Une journée de vendange racontée par Angelique de Lencquesaing 28 septembre 2018
Le week-end dernier, on vendangeait ! En direct du Château Cheval Blanc, récit d’une journée un peu rare, en immersion au sein d’une équipe formidable.
L’adorable équipe du Château Cheval Blanc n’est jamais à court d’idées. Surtout quand il s’agit d’ouvrir généreusement les portes de sa belle propriété pour y accueillir amis, sommeliers, négociants et amateurs. Les Vendanges « off » sont de ces évènements que l’on ne manquerait sous aucun prétexte. D’autant qu’elles sont devenues une institution, depuis que Pierre Lurton a initié cette journée destinée à remercier l’ensemble des acteurs qui avaient contribué à façonner le nouveau chai, conçu par Christian de Portzamparc et inauguré en 2011. Quelle journée ! Allez, c’est parti.
Le meilleur petit-déjeuner du monde ! Là, l’équipe de vendangeurs d’un jour se réchauffe doucement aux premiers rayons du soleil sur les toits du chai en écoutant le briefing. Souriant et calme, Pierre-Olivier Clouet, Directeur technique de Cheval Blanc, nous décrit le terroir protéiforme de la propriété. 39 hectares, 53 parcelles, 10 types de sol, trois cépages et des vignes plantées entre 1920 et 2018 : le vignoble de Cheval Blanc est assurément un « orchestre symphonique » selon les termes de Pierre-Olivier, qui manie la baguette avec autant de souplesse que de simplicité. Avec lui, tout parait facile. La journée s’annonce bien.
Chacun de nous vendange sous le contrôle d’un pro du domaine. Pierre Lurton connait Cheval Blanc comme sa poche. Normal, il a rejoint la propriété en… 1991. Il me confie aux mains expertes de la très énergique Steffanie.
Regardez comme ces raisins sont magnifiques. Vous aurez bien sûr reconnu les merlots, issus d’une parcelle plantée dans les années soixante (les vignes sont à peine plus âgées que moi, quelle vitalité !). Contrairement à nombre de propriétés de Saint-Emilion, le merlot n’est pas majoritaire à Cheval Blanc. Le cépage phare du vignoble, ici, c’est le cabernet franc. Et ça fait 150 ans que le propriétaire de l’époque, Jean Laussac-Fourcaud en a décidé ainsi. Sa présence à 60% dans l’assemblage lui confère un statut qui distingue Cheval Blanc de tous les autres. Plus tardif, il ne sera récolté que début octobre.
S’agenouiller. Couper. Ne pas se couper (les doigts). Regarder les grappes tomber délicatement dans les paniers. Se relever, glisser d’un petit mètre. Recommencer. Mon cours de barre au sol du samedi matin, en comparaison ? Une plaisanterie.
Le ratio, c’est un porteur pour quatre vendangeurs. Les raisins sont ensuite rapidement acheminés jusqu’au chai. Les vendanges s’étalent cette année sur près d’un mois. Selon la jolie expression employée par Pierre-Olivier Clouet, une cinquantaine de fidèles vendangeurs « picore » de parcelle en parcelle pour récolter les raisins à leur exacte maturité. C’est l’une des obsessions de Cheval Blanc. Conserver au vin son expression florale et sa fraîcheur élégante, éviter à tout prix la sur-maturité, la confiture ou le pruneau.
Vous l’apercevez, le chai, au fond de la rangée ? C’est long, un rang de vigne… Au cours de la matinée, nous aurons vendangé un hectare entier. Et il parait que « nos » raisins sont de qualité suffisante pour entrer dans le grand vin. La consécration, en quelque sorte.
Retour au chai. Attention, les raisins vendangés ce matin ne seront triés que demain. Pour l’instant, ils se reposent, au frais. Traitement VIP. Ils seront au passage soigneusement pesés, afin de déterminer la contenance de la cuve dans laquelle ils vont être vinifiés. C’est ça, la vinification parcellaire. Pas de mélange. Nous trions donc les baies récoltées hier, pour écarter celles qui ont souffert du mildiou.
Impressionnante et redoutablement efficace, la machine à érafler.
Deuxième étape de tri des baies. A ce stade, on n’a pas vraiment envie d’écarter grand-chose cette année. Du caviar…
Passionnante, la dégustation des jus issus de parcelles aux caractéristiques distinctes. Le jus plus clair est issu de raisins fraîchement récolté. Savoureux. Celui qui est vient d’un sol composé d’argiles bleues recouvertes d’une roche riche en oxyde de fer (le 3e en partant de la gauche) dévoile de succulents arômes de pêche… de vigne :-). Mais il parait que ceux-ci s’estompent avec le temps. On en redemande.
La cartographie des terroirs de Cheval Blanc démontre le soin avec lequel est mené ce vignoble, véritable mosaïque de sols dont la variété est sans équivalent à Saint-Emilion : de l’argile, des croupes de graves, du sable : rien ne manque. Nicolas Corporandy, chef de culture, n’a pas son pareil pour vous décrire le soin avec lequel chacune des parcelles est cultivée, à la manière d’un jardin. Ici, on pratique la culture raisonnée du vignoble, on utilise des engrais naturels, on laboure. On ne veut pas entendre parler de bio à Cheval Blanc, mais pas pour de mauvaises raisons. Nicolas Corporandy se refuse à faire usage du cuivre, matériau lourd qui abîme durablement les sols. En revanche, il suit attentivement les récents essais menés à base d’algues, pour lutter contre le mildiou. Une alternative au cuivre ? A suivre…
Article issu du blog d’Idealwine
https://www.idealwine.net/vendanges-off-2018-une-carte-postale-du-chateau-cheval-blanc/?utm_campaign=FR_Journal_20180929&utm_content=23742083582&utm_medium=FID-EMAIL&utm_source=JOURNAL