Elles appartenaient à la famille dite des « Crus artisans », en quelque sorte la « France viticole d’en bas », des petites propriétés héritées de plusieurs générations, aux contours purement familiaux….un pur « Bonheur Intérieur Brut » patrimonial pour ces familles!
Cette classe des crus artisans n’est néanmoins pas la 3ème roue du carosse : il y a parmi elle de nombreuses cuvées qui rapport qualité-prix-typicité dament le pion à d’autres voisines plus côtées. Le dernier classement des crus artisans datait de 2006 et comptait 44 propriétés; aujourd’hui il n’en compte plus que 36 dont néanmoins 8 nouvelles. Ce classement sera désormais revu tous les 5 ans.
Trois propriétés m’avaient particulièrement « tapé dans les papilles » dans les années 2000…. voyons ce qu’elles sont devenues… !
Château Béhèré, Pauillac…
Anne-Marie et Jean-Gabriel Camou exploitaient leur petit domaine depuis 1977 au lieu-dit Pouyalet, hameau de Pauillac sur la route de St Estèphe. On ne pouvait imaginer voisinage plus prestigieux pour ce petit domaine situé au cœur des plus grands crus de l’appellation Pauillac….4.81 Ha morcellés entre Mouton-Rotschild, Laffite-Rotschild, Pontet Canet, Pédesclaux sur les meilleures croupes graveleuses du paysage viticole médocain. La vinification était réalisée dans le respect des méthodes traditionnelles, en cuve inox par cépage. Le vin était élevé en fût de chêne, douze à seize mois en barriques dont 30% neuves.
En 2015 à l’aube de la retraite et faute de successeurs, Mr et Mme Camou ont déposé l’outil. La convoitise ne s’est pas fait attendre. Mr Lorenzetti propriétaire du château Pédesclaux 5ème cru classé remportera la transaction, à raison de 1.4 millions d’€ l’hectare selon la presse locale.
Dégustation d’un des derniers millésimes : 2010
Le nez est racé et fin sur le pruneau sec, le cacao, le pain toasté, le jambon fumé, la réglisse. L’attaque en bouche est tonique, sur une matière fruitée avec des tanins encore charpentés qui ont gardé la saveur du cabernet sauvignon natif. Les arômes de bouche reproduisent ceux de l’olfactif, typiquement médocains. L’ensemble est encore friand et croquant, il doit encore se fondre mais vu la qualité des tanins, certains apprécieront ce vin sur son fruit actuel plutôt que sur les arômes tertiaires.
Château La Peyre à St Estèphe
René Rabiller a repris la propriété de ses parents il y a une vingtaine d’années. Elle se composait de diverses parcelles d’une superficie de 7.5 hectares côtoyant les plus grands crus de la commune. Il produisait des St Estèphe typiques, précis et d’un superbe équilibre.
En 2017, aussi rattrapé par la retraite, il revend la propriété au célèbre gourou bordelais Bernard Magrez. Voici le communiqué de ce dernier suite à ce rachat, sans préciser le nom du domaine, ni le prix d’achat: » Ce vignoble portera le nom de « Clos Sanctus Perfectus » et produira aux alentours de 3.200 bouteilles. Il ne sera proposé que dans deux ou trois magasins spécialisés dans les principales capitales du monde », a-t-il déclaré. Cette nouvelle acquisition, au lieu-dit La Peyre, qui domine les vignobles de Saint-Estèphe, a été réalisée pour répondre à une demande particulière de grands initiés dans le monde des très grands vins (…) désormais en quête d’étiquettes très rares ».
Ils souhaitent « à la fois ressentir de nouvelles émotions de très haut niveau et surtout se singulariser en n’arrêtant plus leur choix aux tous premiers Grands crus classés, qui sont aujourd’hui consommés par de nombreux amateurs de vin et dont ils veulent se différencier« , a-t-il justifié.
Mon avis : On peut dire sans se tromper qu’il s’agit d’une comm marketing vinicole de tout haut vol…Chapeau ! On sent qu’il est conscient de la qualité de ce terroir, il détient une pépite et il en retirera toute la quintescence! Souvenons-nous que Ch La Peyre se vendait entre 16 et 18€ suivant l’année ! Suivons l’avenir de ce Clos Sanctus Perfectus…. !
Dégustation du millésime 2015 :
Le vin révèle un nez fin et racé : se mêlent d’élégantes fragances empyreumatiques et boisées. La bouche s’affiche d’emblée presque fondue avec des arômes semblables à l’olfactif : résines de pin, brioche toastée, jambon fumé, encens, café, jus de viande rôtie sur un fond de baies noires. Le touché de bouche est déjà splendide d’équilibre sur des tanins veloutés aux grains fins, de style merlot médocain certes. La finale légèrement suave nous rappelle qu’il serait judicieux de le tenir 3 ans en cave, le temps de lisser l’ensemble, sinon carafons le 1 heure avant la dégustation ! Une maturité des raisins parfaite et une vinification moderne médocaine basée sur l’équilibre….Bravo !
Château Capdet, St Julien
Propriété de famille depuis plusieurs générations d’une superficie de 65 ares, directement contiguë au Ch Ducru Beaucaillou (2nd cru classé)….c’est tout dire de la qualité du terroir de graves garonnaises sur lequel repose ce petit vignoble. Mr Gérard Capdet, musicien à ses heures perdues, a travaillé pendant plus de 20 ans chez Mouton Rotschild. En 2017, il décide de remettre son petit domaine à un ami du Haut-Médoc propriétaire de Château Lauga. Le dernier millésime de château Capdet se vendait à 17€, le nouveau millésime sous le nom de Château La Fleur Lauga se vendra à 35€ selon nos sources mais expliquons simplement l’écart par un prix de rachat de la propriété suivant la valeur de l’endroit!
Dégustation du millésime 2009 :
Le nez dévoile des arômes de jus de viande rôtie, de brioche toastée sur un fond encore à peine sur le fruit. La bouche est d’emblée franche sur des tanins fruités dotés d’une certaine mâche néanmoins non astringents. Côté aromatique, le fruit (les baies noires) est encore bien présent. L’ensemble est encore bien juvénile porté par des tanins fringants et offre un beau vin en plein devenir. A boire à partir de 2020.
….Ecrit avec la complicité de mon ami « Pascal le Bordelais ».