Madiran

                                                                          Séance du vendredi 6 mai 2011 

Le paysage viticole

 

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Madiran est niché sur la rive gauche de l’Adour, lovée dans un coude que dessine ce cours d’eau descendu des Pyrénées en direction sud-nord et qui prend à partir de cette région la direction de l’ouest pour se jetter dans l’océan à Bayonne.

Les paysages sont constitués par des lignes de coteaux parallèles orientés nord-sud, séparés par des vallées profondes.

Le Madiran correspond à un paysage de collines, parsemé de vallées dysimétriques et de coteaux dont certaines croupes vont dépasser une altitude de 350 m.

Ces échines sont séparées par des vallées dysimétriques: des versants ouest , longs et peu inclinés et des versants est, courts et raides.

Elles sont marquées par des entailles qui créent des vallées secondaires aux versants sud, très précieux pour la culture de la vigne.

Le vignoble de Madiran qui a la particularité de partager le même terroir avec celui de pacherenc de Vic Bihl, se répartissent sur 3 départements : le Gers, les Pyrénées Atlantiques et les Hautes-Pyrénées.

Le 10 juillet 1948, les vins de Madiran et Pacherenc de Vic Bilh accèdent au Rang d’AOC. 

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Situation hydrographique du Sud Ouest (L’Adour en bleu foncé qui remonte du sud vers le nord et opère une courbe vers l’ouest).

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Le climat

 

  • Madiran, situé à 100 Km de l’océan et 50 Km des Pyrénées, jouit d’un micro-climat qui subit en même temps l’influence de l’Atlantque et des Pyrénées, plutôt tempéré et de type océanique.
  • Pluviométrie hivernale et printanière, limitée en été et en automne, et des tendances montagnardes sur les plus hautes croupes.
  • Ensoleillement de 1900 heures annuelles, automne lumineux.
  • Les fonds de vallée sont sensibles aux gelées qui peuvent être tardives.
  • Eté chauds et orageux (grêle!), automnes longs,chauds et secs
  • Climat moins doux sur les hautes croupes méridionales.

 

Appelation

 

  •  Surface : 1350 Ha
  • AOC depuis 1948
  • Rendement moyen à l’hectare : 55Hl
  • Les A.O.C. Madiran (et Pacherenc du Vic-Bilh) concernent 37 communes.

 

 Les cépages

 

 Le tannat est le cépage qui donne sa typicité aux vins de l’appelation où il doit représenter max 80% et min 40% de l’ encépagement.

C’est un cépage très vigoureux qui produit un vin robuste et charpenté à cause de son intensité tannique exceptionnelle, qui ne peut être apprécié qu’après plusieurs années de vieillissement. Il est riche en alcool et en acidité. Tardif, il supporte bien l’arrière saison

Autres cépages : le cabernet franc et le cabernet sauvignon  qui apportent du fruité, et le fer servadou, cépage régional qui assouplit le vin et apporte de la fraîcheur. 

Aujourd’hui, la tendance est à planter plus de tannat, choisir des porte-greffes et des clones moins vigoureux, augmenter la densité de plantation pour réduire la charge de raisin sur chaque cep et ainsi obtenir une concentration plus importante, mais aussi une maturité plus aboutie et donc des tanins mieux enrobés et soyeux.

 

La géologie

 Les sols viticoles de cette région sont nés en conséquence directe du soulèvement pyrénéen. Deux phases essentielles de ce soulèvement ont marqué la morphologie et les types de formations géologiques rencontrées ici :

  • Le serrage contre la plaque européenne de la miniplaque ibérique prise, comme en sandwich, entre la première et la plaque africaine ;
  • L’épandage très vaste des produits de l’intense érosion qui a affecté la jeune chaîne en surrection. Cette seconde phase commence au début de l’ère tertiaire. Les produits de l’érosion ont commencé à s’accumuler d’abord au pied des Pyrénées, ensuite ils vont s’étaler de plus en plus loin. Au cours du quaternaire, les torrents descendus des Pyrénées ont continué à déposer le long de leur cours de vastes étendues caillouteuses(Villafranchien, puis terrasses quaternaires). Ensuite, les torrents et rivières (gaves) s’encaisseront dans les dépots tertiaires et quaternaires, les terroirs prendront la forme de lambeaux allongés parallèlement aux cours d’eau.

 

  • La topographie de la région de Madiran est caractéristique du bassin aquitain, dont le relief général est lié à un substrat molassique marno-calcaire tertiaire. Cette imposante masse de molasses dont l’épaisseur peut excéder 1500 mètres forme la plus grande partie des coteaux de Madiran.
  • Au dessus des molasses, on trouve une nappe alluviale ancienne à graviers, puis à galets du quaternaire.

 

Sur les pentes douces, il y a un recouvrement de colluvions. Le terroir est donc constitué par les sols qui se développent sur ces roches mères.

  • Cette nappe peut être surmontée d’une couche de limons fins éoliens (loess). 

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Les sites viticoles autrefois situés sur les terres les plus pauvres ont colonisé les sols de boulbènes des longs versants est à partir des années 1960. Depuis la délimitation parcellaire de 1996, les viticulteurs abandonnent peu à peu ces sols hydromorphes. Ils leur préfèrent des sites de coteaux, mieux drainés et mieux exposés, en adéquation avec une production viticole de qualité dont l’image commerciale moderne est un vignoble de pente tourné vers le soleil. 

La tendance est à vouloir agrandir les domaines en choisissant des coteaux en friche dont le sol et sous-sol sont prometteurs.

Selon David Chauvaud, géologue et spécialiste de l’AOC de Madiran, les parcelles qui pourraient donner les meilleurs vins sont celles de sols maigres de coteaux à colluviosols à galets et de rendosols (= sol évolué sur sous sol calcaire), dont la pente serait de 10-15% et l’exposition au sud ou au sud-ouest.

Madiran est le second vignoble à galets de France après Chateauneuf-du-Pape. Les gros galets à quartzite que l’on trouve à Madiran, facilitent le drainage, protègent la surface du sol de l’érosion, absorbent le rayonnement solaire du jour pour le restituer la nuit.

 

La spécificité des vins

 

  • Les vins jeunes sont particulièrement riches en arômes de fruits rouges et noirs (cassis, mûre,groseille…), et possèdent une puissance tannique unique qui les rend peu accessibles.
  • Après vieillissement, les tannins se fondent et s’enrobent. Le vin développe alors des arômes élégants, caractérisés par des notes de pain grillé, de cacao et d’épices; complexité encore accentuée par le passage dans le bois.

 Les vins de Madiran se sont beaucoup affinés ces 15 dernières années, ils ont acquis du volume et du fruit.

Globalement les vins issus de parcelles argilo-calcaires ont des tanins plus fins, plus soyeux que ceux issus des sols argilo-limoneux.

 

Gastronomie

 Assiette de magret, un plat qui convient très bien au madiran.

Le madiran est généralement servi à température ambiante (entre 14 °C et 16 °C l’excès de chaleur faisant ressortir l’alcool et les tannins), il peut être utile de le passer en carafe une heure ou plus avant de le déguster (selon millésimes et la catégorie).Il existe trois grands types de madiran : les tendances sur le fruit et pouvant être consommés jeunes, les traditions le plus souvent élevés en cuves avec très peu de « boisé » et les cuvées à forte proportion de tannat, sélections de parcelles et élevage plus long en barrique. Le madiran jeune met en valeur les viandes grillées, agneau, bœuf porc, magret de canard… ou confites : canard, oie, porc, cassoulet… Pour les ragouts et gibiers, les vins plus vieux sont mieux adaptés. En fin de repas, ces vins conviennent aux fromages des pyrénées : tommes de brebis , chèvre ou vache. Moins locaux, les cantal ou laguiole sont aussi des choix adaptés.En cuisine, le madiran est utilisé pour mouiller des viandes en sauce : daube de bœuf ou de sanglier, salmis de palombe locale, civets de gibier… Plus original, il sert aussi à cuisiner le saumon de l’Adour.

 

Vins à déguster (*)

 

 

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Torus 2004 – Domaine Brumont – Sélection de vignes de moins de 15 ans du domaine / 8.25€

La volonté d’Alain Brumont est d’élaborer avec Torus, l’entrée de gamme du domaine, un vin simple, plus populaire,plus gouleyant mais avec l’identité du tannat.

Au nez le vin affiche des arômes de cerise confite, de griotte et même de caramel. la bouche est équilibrée, toute en finesse et élégance; les tanins sont fins et polis…le pari d’Alain Brumont est réussi. 7.5/10 

Duprieur 2007 – Domaine Brana –  8€

Au nez, on est sur des arômes de cerise griotte,de mûre et de sureau. La bouche est concentrée,gourmande,fraîche, harmonieuse.Les tanins sont ronds et fruités. C’est bon! 8.5/10Sourire

 Cuvée Meinjarre Fûts de chêne 2003 – Domaine Brumont

Nez fin, fruits confits et évolution tertiaire: arômes de jus de viande et de cuir. La bouche est encore discrète, plutôt cerise confite et arômes d’élevage en futs. La structure est faite de tanins encore bien présents mais non austères. 8/10 

Château Laffitte-Teston Vieilles Vignes 2006   100% tannat – Vignes de 70 ans – Elevage fûts de chêne durant 13 mois – 10.8€

Au nez, encore un beau fruité de fruits rouges vanillés avec des séquences épicées. La bouche est dans l’ensemble très concentrée d’une matière dans laquelle tout est en harrmonie. La structure est charpentée de tanins sans aspérités. 8.5/10 Sourire

Château Montus 2004 – Dom Brumont – 80% tannat et 20% CS – 25€

Le nez est encore dominé par les fruits rouges confiturés avec des séquences de cacao. La bouche est concentrée sur un fruit croquant,tonique, de très grande élégance. La structure toute en équilibre est tissée de tanins fruités, mûrs non austères. 8.75/10  Rigolant

Domaine Berthoumieu Cuvée Charles de Batz 2001 90% tannat 10% CS – 40 hecto/Ha – 18 mois d’élevage dont 12 en barriques neuves – 15€

Robe presque noire. Nez complexe de torréfaction avec des séquences animales. La bouche est hyper concentrée, riche , une matière serrée,faite encore de fruit puissant; la gamme aromatique est dans le même régistre que le nez.Les tanins sont bien présents mais nobles. L’ensemble est encore d’une étonnante jeunesse.Un vin d’un style différent des précédents, éléboré pour 2 décennies. TB 8.75/10 Rigolant

Château Bouscassé Vieilles Vignes 2000 – Dom Brumont – 21 €

Le nez est déjà bien évolué sur des notes de torréfaction, végétales avec des séquences animales. La bouche est dans le même régistre mais assez courte et semble déjà loin dans son évolution. Le vin ne fait pas l’unanimité. 6.5/10

 Château Montus Cuvée Prestige 1999 – 100% tannat – 100% chêne neuf – Vignes situées sur les meilleurs coteaux de l’appelation – 41€

Le nez est sur l’évolution d’arômes tertiaires, boisés, végétaux et balsamiques. La bouche est élégante, et dans le même régistre aromatique que le nez mais manque un peu de longueur. A l’aération, des notes de feuilles sèchées, de laurier se dégagent. L’ arrière bouche se termine sur des tanins fins un peu suaves. Bizarrement,ça me rappelle certains St Emilion qui sont au même stade d’évolution. 7.5/10

Conclusions:

  • Une dégustation d’un excellent niveau d’ensemble.
  • Le groupe a été séduit par les qualités sensorielles du tannat, cépage trop peu connu. Ses qualités aromatiques sur le  fruit rouge, sa finesse de grain, son élégance, sa fraîcheur; ses tanins plus soyeux que prévus nous ont vraiment séduits.
  • Les vins qui sont vinifiés sur le fruit, la finesse et l’élégance ne demandent probablement pas un élevage en fûts de longue durée de façon à préserver au maximum les qualités intrinsèques du cépage. 

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(*)La notation exprimée sur 10 est une moyenne hédonique du groupe de dégustation du club « La Moinette ». On ne peut considérer qu’elle puisse être le reflet de la qualité globale d’un domaine, ni même de la qualité de la production du millésime goûté, étant donné la faible valeur statistique que représente une bouteille de 75 cl. 

Pour avoir une idée plus précise de la qualité d’un domaine ou de la qualité d’un millésime, référez vous à la littérature des experts traditionnels comme Bettane-Dessauve, Parker, Hachette, La Revue du Vin de France…etc

Prochaine séance: le vendredi 8 juillet: « Les vins blancs du Rhône nord »